Je continue donc de traîner le pas dans ce monde, avec cette dérangeante mais inéluctable évidence qui me crie que je suis seule victime de mes tourments. Tiens ! Ces délicieux tourments se transforment soudainement en pierre venant s’ajouter à l’édifice qu’est ma propre personne ; mon moi.
Je m’arrange alors et je profite d’un coin d’ombre dans mon chemin pour m’installer, pour respirer, et tenir entre mes mains et devant mes yeux cette pierre qui a fini par prendre forme définitive en moi. Je vois dans cette pierre ce qu’elle veut que j’y vois ; elle me rappelle, par un simple exemple rocheux, que je peux lancer des conversations et les finir sitôt commencées, constatant que les efforts et la salive fournis durant celles-ci ne mèneraient à rien d’intéressant. Après tout, essayer de faire comprendre à votre interlocuteur qu’il a tort, même si vous y arrivez, vous fera plus de mal que de bien ; cet interlocuteur vous sera gré de lui avoir ouvert les yeux, mais vous en voudra d’avoir pris l’arrogante responsabilité de le faire à sa place. Laissez donc les brebis égarées retrouver leur chemin par elles-mêmes, et priez qu’elles ne croisent pas de loup !
C’est dommage…, car je suis bel et bien un amateur de faconde, cependant, je suis loin d’être un dramaturge, sauf quand je me parle à moi-même ou à une feuille. Ne le sommes-nous tous pas un peu d’ailleurs ? Peut-être pas tous, après brève réflexion.
Combien de gens ai-je croisés et qui se sont vantés de comprendre ma pierre ? D’en avoir une en eux qui est semblable ? De comprendre ce trait en moi qui pousse vers l’abandon de ce qui me fatigue ? Je n’aime pas me fatiguer, surtout pas me fatiguer pour que d’autres se sentent merveilleux. Je ne le cache pas pourtant, mais l’humain est inévitable et facilement blessé. Ces gens-là que j’ai croisés sont pour la plupart soit menteurs, soit ignares. J’ai pour habitude de plaindre la deuxième catégorie, car ceux-là ne se connaissent pas vraiment, ou pas entièrement, car il est vrai que certains peuvent s’être convaincus théoriquement de posséder le même trait que le mien, mais arrivés à une limite, lorsqu’une personne très proche d’eux arrive à imposer son besoin de merveille, ils renoncent, découvrant leurs limites pour la première fois, sous mon regard empli d’ironie. Est-ce que je vous connais mieux que vous ? Bon sang.
Rien de bien récent dans tout cela, cette pierre commence d’ailleurs à me fatiguer, je la laisse pourtant attachée à moi et je continue de marcher.
Puisse-t-elle m’être utile un jour…
-M.