Il a un regard éteint, comme celui des soldats qui reviennent de la guerre. Je me demande de quelle guerre il revient, à chaque fois qu'il ressort de ses pensées. Il rit ,du moins son visage n'est pas grave, pas réconfortant non plus mais sincère. Il n'aime pas parler d'une chose en particulier, il se contente de critiquer ce qu'on lui raconte jusqu'à trouver une fin moins dramatique à la conversation. Il n'aime pas se faire chier, comme si les fardeaux du monde lui étaient éphémères. On va jusqu'à se demander si ce n'est pas parce que le sien le pèse suffisamment, mais ça on ne risque pas de le découvrir en le lui demandant poliment. Il consomme des trucs malsains, et même s'il s'en rend compte , mais quelle erreur ce serait que de lui rappeler que c'est mauvais pour lui. Il n'apprécie pas les remarques, c'est sûr. Sa montre ne marche plus depuis belle lurette, et pourtant elle reste accrochée à son poignet. Je pense qu'il l'aime bien, c'est tout. Je ne sais pas s'il s'attache aux vieilles choses, ou aux vielles souvenirs, Je sais seulement qu'il en a eues quelques unes, pas assez laides pour qu'il en souffre et pas assez belles pour qu'il les mentionne. Un putain de coffre fort qui s'ouvre quand il le souhaite, mais pas assez longtemps pour qu'on contemple ce qu'il y a à l'intérieur. N'empêche, il jette des vérités et des anecdotes par-ci par-là, sans gêne ni remords, peut-être pour brouiller les pistes. Moi je dis que c'est parce qu'il s'emmerde. Pudique,mais la fausse modestie, ça ne lui ressemble pas. Rien ne lui ressemble et tant mieux, bien qu'il se fond allègrement dans cette masse rampante, dans ce décor qui semble l'intéresser un minimum, assez pour vivre avec ce regard froissé, mais pas assez pour ne pas se sentir dégoûté.
Mi croyant mi salaud, il s'attache à sa foi comme on s'attache à un rêve qu'on a peur d'oublier en ouvrant les yeux. En plus d'être chiant, ça lui arrive d'être poète. Il dit qu'il ne sait pas ce qu'il veut, mais je mettrais ma main au feu qu'il se casera un jour et qu'il jouira d'une vie conventionnelle et heureuse, peu importe la définition de l'heureux.
Il mène une double vie,
Il a l'air perdu, et pourtant je suis certain qu'il le sait, qu'il l'a découvert un jour au bout d'une longue reflexion,et que ça l'a flingué, alors à quoi bon. il déteste de lui parler d'espoir, de bonheur, d'amour ou de paix. il prefere d'être laissé vivre comme l'on vit tous, seuls et désespérés, à chercher un sens à notre chemin pour atteindre un but éphémère.
-M.